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« L'objectif, c'est zéro intervention » : sur la plage avec les sauveteurs de Royan

publié le10 December 2025

écrit parJean-baptiste Lindner

5de lecture

mis à jour le10 December 2025

Certains lieux de baignade plus risqués, nécessitent une vigilance particulière de la part des sauveteurs © Margaux Malé

Les nageurs sauve­teurs de la SNSM doivent suivre une forma­tion spéci­fique avant d’être affec­tés à la surveillance de plages présen­tant des dangers parti­cu­liers. Cet été, nous les avons accom­pa­gnés pendant une jour­née sur l’une d’entre elles, en Charente-Mari­time.

Une mer agitée frappe les plages de la côte sauvage de la presqu’île d’Ar­vert, en cette fin août. Le vent souffle sur les pins de la forêt doma­niale de la Coubre, en Charente-Mari­time, après le passage de l’ou­ra­gan Erin. Le violent phéno­mène météo­ro­lo­gique a provoqué une houle cyclo­nique, qui génère des vagues de près de 2,5 mètres de haut, dange­reuses pour les baigneurs. 

Dès 10 h 30, malgré le ciel maus­sade, les nageurs sauve­teurs de la SNSM se tiennent prêts sur la longue plage de sable fin de plus de 10 kilo­mètres de long. Durant la saison esti­vale, trois postes de surveillance y sont dissé­mi­nés : la Coubre, la Bouve­rie et la Pointe espa­gnole. Une tren­taine de sauve­teurs se répar­tissent chaque jour afin d’as­su­rer la sécu­rité des vacan­ciers. 

Ce matin-là, Édouard Hatten­ville, 23 ans, se met à l’eau en dépit des condi­tions diffi­ciles. « Quand les vagues sont impor­tantes comme ça, on envoie en géné­ral un sauve­teur pour vrai­ment tester les courants et voir si, malgré son entraî­ne­ment, il est emporté  », explique Tommy Suteau, chef du poste de la Coubre. Le test est répété plusieurs fois dans la jour­née, selon l’évo­lu­tion des condi­tions météo. Si les courants changent, les sauve­teurs déplacent alors les drapeaux qui marquent le secteur sécu­risé de baignade. 

Baïnes, shore­breaks et épis rocheux

Des tech­niques précises et spéci­fiques, que les membres de l’équipe ont apprises lors d’une forma­tion dédiée aux plages jugées à risque par la SNSM. Pendant ce stage d’une semaine, qu’ils effec­tuent de manière béné­vole, les sauve­teurs s’en­traînent deux fois par jour en mer pour tester leur condi­tion physique et mettre en œuvre les tech­niques de sauve­tage dans ces condi­tions diffi­ciles. Le reste du temps est alloué à l’ap­pren­tis­sage de savoirs théo­riques sur ces zones, où l’eau peut être plus traître qu’ailleurs. 

« Le but est de fami­lia­ri­ser les sauve­teurs aux condi­tions de mer qui les attendent sur ces plages  », explique Thibault Seuwin, chef de secteur qui chapeaute les trois postes de secours de la côte sauvage, égale­ment forma­teur béné­vole en dehors de la saison. « Je faisais déjà du sauve­tage spor­tif, donc c’était intui­tif pour moi, pour­suit Mewen Hamon, sauve­teur sur la plage de la Bouve­rie. Mais, pour me main­te­nir en condi­tion, je suis actif toute l’an­née. Je m’en­traîne un maxi­mum, parce que je sais ce qui m’at­tend pendant la saison.  » 

Les plages à risque sont souvent carac­té­ri­sées par la présence des baïnes(1), de shore­breaks(2), d’épis rocheux ou d’autres parti­cu­la­ri­tés qui affectent les courants marins. Les sauve­teurs apprennent à recon­naître ces phéno­mènes et à les appré­hen­der pour adap­ter le péri­mètre de la baignade et les tech­niques de surveillance utili­sées. « On apprend aussi tout ce qui est lié aux loisirs nautiques, comme le body­board ou le surf, qui attirent un public toujours plus nombreux sur ce genre de plage », indique Thibault Seuwin 

Les Sauve­teurs en Mer se doivent d’être parti­cu­liè­re­ment vigi­lants dans ces secteurs. Il suffit d’une seule vague pour englou­tir une personne. Peu importe le gaba­rit et l’âge, chacun peut se faire piéger par les courants qui hantent les parages. D’après Santé publique France, 113 personnes sont décé­dées après une noyade (3) entre le 1er juin et le 13 août 2025. 

Pour autant, les plages ne désem­plissent pas. Dans la région Nouvelle-Aqui­taine, elles ont accueilli envi­ron 16,5 millions de personnes en 2022, dont 30 % sur les côtes de Charente-Mari­time. Depuis deux ans, plus de cent cinquante nageurs sauve­teurs de la SNSM s’oc­cupent quoti­dien­ne­ment de surveiller le litto­ral de la commu­nauté d’ag­glo­mé­ra­tion Royan Atlan­tique, où se situe la côte sauvage. Cet endroit est très fréquenté. Mais tout le monde n’a pas toujours conscience que les courants et les vagues peuvent y être plus violents qu’ailleurs, selon les jours. 

« On peut avoir une mer plate ou, comme aujour­d’hui, des rouleaux, des épis et des crêtes, décrit Gabin Marieu, nageur sauve­teur du poste de la Coubre. En fonc­tion de ces éléments, on déplace la baignade pour trou­ver le lieu le plus sécu­risé.  » 

Avec le soleil arrivent les baigneurs

En début d’après-midi, la marée monte et les vagues puis­santes se cassent sur les bancs de sable. La grisaille de la mati­née laisse place aux rayons du soleil. Les vacan­ciers quittent les campings pour traver­ser les hautes dunes et rejoindre la plage. Le drapeau jaune flotte au vent pour leur indiquer qu’ils doivent se montrer prudents. 

Sur la côte sauvage de l’ag­glo­mé­ra­tion royan­naise, les dangers sont aussi présents en dehors des trois zones de baignade surveillée. « Pour préve­nir les acci­dents, on a mis une patrouille en place grâce au buggy pour surveiller l’es­pace entre les deux zones surveillées, raconte Thibault Seuwin. À chaque passage, les sauve­teurs rappellent les bons réflexes à une ving­taine de personnes. « Comparé à d’autres endroits, on fait beau­coup de préven­tion pour guider aux mieux les baigneurs, pour­suit le chef de secteur. L’objec­tif, c’est zéro inter­ven­tion.  » 

En début de saison, les nageurs sauve­teurs ont, juste­ment, dû faire face à une inter­ven­tion en dehors de leur péri­mètre de surveillance. Un nageur a été violem­ment plaqué sur le fond par une vague puis­sante. « Il y avait un vrai risque de trau­ma­tisme rachi­dien, précise Thibaut SeuwinMais, grâce à une bonne cohé­sion entre deux postes de secours, la personne a été rapi­de­ment prise en charge après qu’un témoin nous a solli­ci­tés. » Les nageurs sauve­teurs ont immo­bi­lisé la victime, en atten­dant qu’elle soit trans­por­tée vers l’hô­pi­tal le plus proche.

Les Sauveteurs en Mer disposent d'un véhicule spécifique afin d'intervenir le plus rapidement possible sur les longues plages de la région de Royan © Margaux Malé

Deux sauve­teurs à l’eau

Cet acci­dent démontre l’im­por­tance de se tenir dans les zones surveillées pour que les sauve­teurs puissent agir au plus vite. « Je ne savais pas du tout que c’était une plage dange­reuse, mais, honnê­te­ment, je l’ai tout de suite vu et senti, explique Joël, venu avec sa femme, Dana, et son fils, Maël. On fait assez atten­tion, surtout quand on voit l’état des vagues. Je ne laisse pas Maël sans surveillance. Je suis soit juste derrière, soit je lui tiens la main. » 

Car un seul courant peut être dévas­ta­teur. En fin d’après-midi, vers 17 heures, les vagues et les baigneurs affluent sur la plage de la Bouve­rie. Bien­tôt, les inter­ven­tions s’en­chaînent pour les Sauve­teurs en Mer. Une famille britan­nique se présente au poste. « On a été surpris par les vagues, c’était vrai­ment très impres­sion­nant ! Je tenais la main de ma fille et, à cause des courants, je l’ai lâchée, explique anxieu­se­ment la mère. Elle est restée un moment tota­le­ment immer­gée, jusqu’à ce que mon mari vienne la soule­ver entiè­re­ment pour pouvoir la sortir des vagues.  » Théo, nageur sauve­teur, s’oc­cupe de faire un rapide bilan de santé. L’en­fant n’a pas toussé et ne semble pas avoir inhalé de l’eau. Après un examen, tout est normal et la famille repart soula­gée. 

« Au plus proche de l’ac­tion  »

D’une vague à l’autre, le niveau de l’eau peut monter d’un coup de près de 1 mètre. Pour s’adap­ter à ce contexte – rare –, « On s’est réor­ga­ni­sés pour être au plus proche de l’ac­tion », explique Kévin Pati­note, chef de poste de la Bouve­rie. En cas de vagues impor­tantes, deux sauve­teurs sont en perma­nence dans l’eau, à la limite de la zone sécu­ri­sée, pour conseiller aux nageurs de ne pas s’aven­tu­rer plus loin. Un autre surveille depuis une chaise haute, afin d’avoir une meilleure vision de la situa­tion globale.

Des chaises hautes munies de roues permettent aux sauveteurs d'être toujours proches des baigneurs © Clarisse Oudit-Dalençon

Soudain, l’océan surprend un groupe d’une quin­zaine de personnes, qui sont empor­tées par les flots. L’un d’entre eux ne parvient pas à reve­nir au bord et est entraîné par le courant. Les sauve­teurs se préci­pitent à son aide. « C’est le ressac [ndlr : retour brutal des vagues sur elles-mêmes, lorsqu’elles ont frappé un obstacle] qui est vrai­ment dange­reux. C’est ce qui est arrivé à ce monsieur, qui s’est fait tota­le­ment assom­mer par les vagues, explique Mewen après le sauve­tage. On s’y est mis à quatre pour le sortir du courant et l’em­me­ner au poste de secours.  » L’homme s’en tire, heureu­se­ment, sans bles­sures. 

La VHF grésille à nouveau. Un sauve­teur indique que la prothèse de hanche d’une personne a lâché et que celle-ci se retrouve inca­pable de marcher. Sans attendre, le buggy se dirige sur la plage pour aider cette femme, qui est ensuite prise en charge par les pompiers. Malgré ces inter­ven­tions, les sauve­teurs main­tiennent leur vigi­lance sur les autres baigneurs. 

«  En matière de sécu­rité, on fait surtout atten­tion à ce que les baigneurs restent bien dans la zone surveillée, déve­loppe MewenSi jamais ils en sortent à cause des forts courants, on va être encore plus atten­tifs pour voir si c’est maîtrisé ou s’il faut qu’on inter­vienne.  » Comme des pois­sons dans leur élément, les sauve­teurs n’hé­sitent pas à se mettre à l’eau pour cadrer les nageurs. « Sur ces plages, ça devient un vrai travail stra­té­gique, en plus de l’ef­fort spor­tif, affirme Thibault Seuwin. Il faut constam­ment s’adap­ter.  » 

 Nos sauve­­­­teurs sont formés et entraî­­­­nés pour effec­­­­tuer ce type de sauve­­­­tage.

1-Baïne : cuvette formée entre la plage et un banc de sable. Lorsque le banc de sable est recou­vert par les vagues, un courant se crée à la sortie de la baïne et emporte les baigneurs.  

2–Shore­break, aussi appe­lée vague de bord. Se dit d’une vague puis­sante qui se brise près de la plage, où il y a peu de fond. Un baigneur pris par les flots ne peut alors pas amor­tir sa chute et se retrouve plaqué par les courants sur le sable.  

3-Noyade : asphyxie par l’af­flux d’eau dans les voies respi­ra­toires, qui ne conduit pas forcé­ment au décès de la victime. 

Article rédigé par Clarisse Oudit-Dalençon

 

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